Un soir de novembre, après sa partie de cartes quotidienne avec ses amis,
Charles, en rentrant, trouva sa demeure vide.
- Simone ?
Il parcourut à la hâte chaque pièce, fouilla du regard le jardin abandonné,
jeta un œil dans la rue.
- Simone ?
Simone n’était nulle part. Il s’adressa aux voisins de gauche, de droite, à
ceux d’en face.
- Vous n’auriez pas vu Simone ?
L’angoisse l’étreignant, il parcourut, le souffle court, les rues du village, la
grand’place, fouilla les recoins de l’église et ceux du cimetière.
A la nuit tombante, au comble de l’effroi, essoufflé, hypertendu, désespéré,
Charles découvrit Simone.
Assise au bord de la rivière, ses bas de laine immergés dans l’onde verdâtre
et glaciale, elle dialoguait avec un interlocuteur que l’opacité de la brume de
novembre dissimulait au regard de Charles.
- Que fais-tu là ? » hurla Charles. « Qu’est-ce que tu fiches ici ?
- Monsieur, voyons …
- Monsieur ???
Charles, sidéré, observa Simone qui avait quiètement repris le cours de sa
conversation.
Après maintes tentatives, moult échecs, de multiples déferlantes d’angoisse,
des giclées de noms d’oiseaux, des gerbes de ressentiments, Charles parvint
à faire admettre à Simone qu’elle devait rentrer à la « maison ».
- Maison ? disait Simone. Maison ?
- Oui à la maison, chez nous.
- Maison ? questionnait inlassablement Simone.
Bon sang, pensait Charles, même E.T. se souvenait de sa maison.
Mais le brave extraterrestre était un proche voisin. Simone, elle, était devenue
résidente d’une bien plus lointaine galaxie.
Quelques mois plus tard, Charles, exténué, sous la pression de ses proches
soucieux de sa santé dégradée, annonça à Simone :
- Tu sais, je crois que je vais être obligé de te placer dans une
maison.
- Maison, interrogea Simone, maison ?
Ce terme, vidé de sa substance, ne recouvrait plus aucun concept. « Maison »
n’était plus qu’une étiquette défraîchie aux liserés grisâtres et effilochés, collée
sur un tiroir vide.
- Une maison, répétait Charles, une maison dans laquelle tu …
- Maison ? interrogea Simone.
